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Luc du Ressac à la Prose sans Odeur

Poète en bibliothérapie : « je fais de ma vie la plus grande de mes oeuvres d'art »

Nicole Brossard - roman - Le désert mauve

Posted on September 23 2014 by Luc du Ressac in Nicole Brossard, littérature Québécoise, Roman

Nicole Brossard - roman - Le désert mauve
Nicole Brossard - roman - Le désert mauve

« |…| elle dit qu’il faut espérer, que la mémoire peut encore accomplir de beaux ouvrages, mais les yeux, Mélanie, elle dit qu’en réalité il suffit de quelques mots concis pour changer le cours de la mort, pour effrayer les petites douleurs, elle parle et réveille en moi l’horizon. » — Nicole Brossard. -

— Nicole Brossard. - Désert mauve

Nicole Brossard - roman - Le désert mauve
Nicole Brossard - roman - Le désert mauve
Nicole Brossard - roman - Le désert mauve

DU SOUS-SOL DE LA PROSE SANS ODEUR

« Les mots |…| « Limes shooters » était inscrit sur le billet de vingt où on retrouve la citation de Gabriel Roy. Quand mon regard se plongea sur la liasse qui sortait de la boîte automatique.

Images folles, cul sec, bag sur le comptoir...

Je reste immobile sur les marches de l'élévateur automatisé.

Je me dirige vers la salle de bain.

Le premier lieu d'indépendance qu'on nous offre dans la vie.

Aux toilettes, l'extérieur n'existe plus.

Cependant le lieu est en lambeaux.

Il y a plein de partitions musicales dans l'espace qui n'est jamais à louer.

Peu importe, je reste dans la voûte, seul au monde avec la poésie de la céramique fraîche, sans attache à la mappe-monde du cabinet où je suis.

Sans peur de la conjugaison, je me lave les mains.

Je sors de l'immeuble.

Il est pris en otage depuis une heure environ par des hommes d'entretien qui sont habillés en bleu.

Écrivain en chaîne détachée, les images s'accotent dans la corde de bois de mon introspection.

Les spectres de la pluie se refoulent à la presqu'île de l'évasion monétaire de deux hommes qui alimente la mécanique de la demande.

J'ai connu les mariages d'averse et les orages de la déraison du matin.

Le savon lavande sur ma peau me rappel des souvenirs, j'entre dans l'abysse bu, pour me protéger des gouttelettes d'eau suave.

L'évasion littéraire recommence, le visage de mon regard est plongé dans les mots de ce ruisseau de prose qui m'apporte à la rivière d'un lac où les pelouses sont toujours vertes.

Sans texte, la beauté n'est pas dramaturgique, je vais m'en sortir.

Je sais que je vais entrer dans ton visage.

Une jeune femme assise à côté de mon regard et elle regarde le chant des clous qui tombe sur la vie dans un angle noir.

Elle est au milieu de ce désert d'ébène et elle sourit à l'écran.

Elle parle dans le vide aux émotions qu'elle se procure par son appareil.

Elle veut mourir pour lui.

L'autobus arrive dans le défilé de cet éclaircissement, d'ombrage et de brouillard.

L'autocar se range et elle file avec lui dans le sablier numérique des grains de sable de l'intelligence portative.

Des cellulaires qui voyage comme des oiseaux dans le ciel des anges, j'existe.

Elle va sous la pluie de la panique de l'attente.

Le bus ouvre sa porte.

Elle prend son assise dans le transport en comment qui l'apportera dans le jazz de son living room.

Là-haut ou là-bas, elle part dans l'avion de mes illusions qui carbure à l'eau du miel de la sève d'érable jusqu'ici.

Une femme arrive et échappe son existence comme le corps d'ouvrage instinctif.

La totalité des partitions de sa vie bouge trop vite.

Les feuilles fondent dans le chocolat et les roses aspirés par la flaque qui la regarde.

Le fil du huit millimètres roule et s'avance avec les écorces de bouleau.

Dans la danse de la folie, les incunables de sa mémoire hurlent.

Je cesse ma lecture.

L'avis qui m'enveloppe se déchire dans l'équilibre qui organise ma pensée.

Je l'ai vu qui embrasse les cent quarante caractères avant de monter dans le bus jaune de la Joconde du Nord de son trajet.

Son cellulaire fonctionne encore et je poursuis ma lecture.

J'ai acheté un bon livre, surtout l'un des plus beaux.

Une prose impossible à oublier, à mettre de côté, à l'exception de sa table de chevet, je suis incapable de le retirer. »

Nicole Brossard - roman - Le désert mauve
Nicole Brossard - roman - Le désert mauve
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